9 janvier 2017.
On croit quitter pour la dernière fois Las Palmas capitale. Notre direction? Il n’y en a pas vraiment, on pourrait passer par plusieurs chemins, le bijou que nous cherchons est à l’autre bout de l’île. La buena onda nous montre la voie, c’est le moment de découvrir Tufia, pueblo pescador dont on nous a vanté la pure et simple beauté.
Concernant le stop, les conducteurs évitent soigneusement nos regards surtout les types sólitos dans leur big pick-up. C’est pas coutumier dans le coin de ramasser les vagabonds du continent. Ils prennent un billet d’avion jusqu’ici tout ça pour tendre le pouce: son locos o qué? Ce parti-pris ne regarde pas les autochtones sauf quand ils s’appellent Alicia et Antonio.
« Los milagros son acontecimientos diarios chacho ».
Nous arrachant d’une interminable route en épingle, notre couple-miracle se fréquente et plus encore au quotidien depuis 44 ans. Nos sacs atterrissent dans la remorque pleine d’herbe fraîchement coupée. Pour nous faire plaisir, sans qu’on leur demande rien, ils nous font passer par le barranco de los Cernicales, gros repère de canyoneurs en quête d’adrénaline. Nous traversons ensuite el Valle de los Nueves (parce qu’au départ, il n’y avait là que 9 maisons pour la petite histoire…)
Le couple d’abuelos nous espante par sa fraîcheur « c’est vrai qu’on a un peu peur des auto-stoppeurs » et son grand cœur, « vous pourriez être nos petits enfants »: Lui, son œil de cabotin farceur, elle qui s’amuse à nous confier combien il était séducteur…Alicia et Antonio décident de différer leur trajet habituel pour dépasser la bruyante agglo de Telde et nous poser comme des fleurs sur la côte, juste devant un village miniature gravé dans la falaise.



Tufia, le plus charmant endroit qu’on ait vu jusqu’à présent, paisible comme une sieste d’été, grandiose à la nuit tombée; ses petits bateaux de pêche qui dansent sur l’eau turbulente et…toutes les 10 minutes à peu près, au dessus de nous, un gros oiseau de fer surgissant d’un trou noir!
Virée pédestre dans les dunes caillassées jusqu’à Ojo de Garza, petite baie pleine de caractère mais aussi littéralement collée à l’aéroport.

Instant fraicheur enveloppé d’un rhum-miel en clair-obscur et vue retour sur la somptueuse Tufia dont les flash lumineux nous révèlent quelques cuevas inaccessibles.



L’art du lâcher-prise se pratique tout naturellement au pied de l’eau…Campement sur la crique d’à côté et réveil endolori sur les industries qui grignotent la ligne rocheuse face à nous.
Une chouette nana nous monte jusqu’à Melenara: Sardines grillées et baignade enfantine sous les auspices d’un Poséidon marbré.



Jumping dans la guagua pour se franchir un Telde-Mogan, soit la moitié sud de la isla. On serait arrivés à Mogan-puerto avant la nuit si l’on ne s’était pas ejecté du bus au moment de passer Maspalomas pour visiter les 2 postes de police..Un saludo à la nationale puis un renvoi à la team municipale pour voir s’il n’y a pas un quelconque appareil photo qui attend sa mamita au bureau des objets trouvés. Opération stérile, qui aura quand même eu le mérite d’entériner la fin d’une belle histoire d’amitié…

Mogan plage, ça fait rêver non?
Puerto de Mogan, nos valises accrochées aux paupières, la Venise gran canarienne comme ils disent nous laisse hagards avec sa rue spéciale fruits de mer, l’autre dédiée à la pizze italiana, impression de déjà vu, une colonie pour nordiques retraités de plus…On se précipite dans les arrières du port, là où sont empilés les casiers de pêche bouffés par la rouille, au bord de la falaise, on a les bras ouverts sur le monde, une acoustique d’enfer et le sol qui va avec, du genre à disloquer des piquets de tente en titane…
Le cadre sent le fric, nous c’est plutôt l’Afrique…
…avec nos frusques qui crachent de la poussière! Au moment de quitter ce guépier, on jette un petit coup d’œil au centre de buceo et un ange tout en blondeur nous offre 2 masques de plongée; Lucia, grâce à toi, nous allons enfin savoir ce qui se trame sous l’océan, yeppaaa, on a la grosse platano (la banane espagnole)!

En 2 coups de pouces, on se fait une pause bocadillo à Mogan Pueblo, otro dedo et nous voilà au milieu des montagnes. Dans un virage serré du col, deux vieux allemands prennent la peine de s’arrêter sur le bas-côté, et la femme trifouille dans sa tête avant d’hennir dans un very mauvais anglais: « It is not allowed ». 3 fois. Apparemment la connerie ça c’est autorisé!
Heureusement pour nous, les bonnes personnes sont aussi dans la place. Gway, un gars de La Aldea, comme son nom l’indique est beaucoup plus cool et nous dépose à Tasartico avec un « cualquier cosa que necesitais allí, hablan con William quien es mi amigo »! Vaya, un saludo y muchas gracias chacho!! Nous sommes là, devant la dernière casa de Tasartico à tenter d’alléger nos sacs au maximum pour atteindre la fameuse playa Guigui qui tournoie dans nos têtes comme l’accomplissement d’une prophétie…Quand soudain, un petit bonhomme sort de la casa avec sa gitane au bord des lèvres et s’assoit bien tranquillement pour profiter du petit spectacle de gringos. Juan Olivo se marre et accepte de garder une partie de notre équipage pour les 3 prochains jours.
Une caminata sublime pour atteindre la tant rêvée Guigui:

2h30 de montée entre les euphorbes et cactus avant de redescendre sur un chemin parsemé de fleurs aux noms enjôleurs: malfurada, crestagallo, tajinaste…
« Fijate en lo que tienes »
Concentre-toi sur le ici et maintenant…
Une plage cachée, sauvage, sans doute la plus belle de l’île.

L’entrée du paradis coincé dans la roche.

Une poignée d’habitants permanents: William et Patricia installés sur les hauteurs, leur huerta (jardin) perma-cultivée, mmh leurs fruits de la passion, nous n’avions jamais goûté de jus plus frais…À même le sable, quelques campeurs à l’année, parmi eux, un retraité qui se nourrit en pratiquant la chasse aux poulpes.
Nous rencontrons aussi un adorable couple de jeunes écossais ainsi que Roberts, réplique du Robinson de Seul au monde qui devient poco à poco zinzin. La première fois qu’on l’a vu, il courait couilles au vent avec de maigres branchages dans chaque mains. Roberts a le bout des doigts noirci par le bois calciné de tous les feux qu’il prépare pour chauffer cette étrange mixture qu’il appelle encore du café. Faisant trembler la longue tresse rousse qui lui pend du menton, Roberts ne sait plus s’il est allemand d’origine ou polonais depuis le temps qu’il voyage. Il a fui le Maroc car les flics le traquaient, sous prétexte de le protéger…Il ne sait bien entendu plus quel jour on est, par contre il cherche désespérément du sucre pour assaisonner ce qui lui reste de café.

Le dit Robert courant nu sur la plage.
Nous profitons de la marée basse pour se balader sur les deux autres baies, la seconde, longue étendue de sable encastrée dans la falaise, et la suivante parsemée d’habitats légers, cahutes et murs de galets. Avant le grand large, une peuplade de crabes noirs et dorés gigotent sur les parois dont les creux servent d’abris aux bigorneaux et bernardo hermitos qu’on apercoit en surbrillance.

Les vagues nous embrassent les pieds avant de les lécher vigoureusement, il est temps de rejoindre notre casita sur la 1ère playa.

Guigui paradisio, 2ème soirée: Alors qu’on part à la mare aux grenouilles pour se ravitailler en eau potable, nous tombons comme de bonne aventure sur Berber et Franki, nos 2 amigos rencontrés à Las Palmas quelques jours plus tôt. « Asi es la vida »! Nous regardons le coucher de soleil bien conscients de cette magnifique journée. Objectif: tout faire pour que la suivante soit aussi belle!
3è jour. Le soleil se fait attendre derrière l’imposante falaise. Dès qu’il est là, nos 2 hollandais vont se faire claquer les fesseaux par la vague. Yoga sur sable noir, il est déjà l’heure de se dire au revoir…Nous saluons aussi William y Patricia avant d’entamer la caminata du retour tout en douceur, grappillant quelques fleurs d’ail au passage.





Guigui est désormais derrière nous…Juan Olivo, l’abuelo de Tasartico n’a pas bougé, égal au lui-même de ces 78 dernières années. On taille la bavette avec le sympathique monsieur et récupérons nos besaces avant de repartir en mission stop.

Demain, nous partirons de Puerto de La Luz et prendrons un ferry pour Santa Cruz de Tenerife après un desayuno de crêpes au nocciolla chez l’amigo Vittorio.
L’île en forme de concha disparaîtra alors derrière la brume pour laisser entrevoir les contours d’une nouvelle saison.

Prochain objectif: Rejoindre l’équipe de Javi hermano à San Miguel Marina pour un WE apéro, musico marinero*



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