2 janvier 2017

Objectif pressant:

Sortir du « Sonnenland » (pays du soleil en allemand) pour germains en quête de bronzette, campo de concentration bétonné kitsch comme un cartoon de Disney sous acides en voie de péremption.

Loongue épreuve de marche en peine sur une 4 voies bordée de palmeras.  Un italiano à la retraite nous avance de 500m jusqu’à San Fernando pueblo, c’est toujours ça de pris, encore quelques pas et nous trouvons l’arrêt de bus pour Fataga, bastion de la sierra bonita. Première rencontre avec un adorable couple canarien, suivi d’une session croquetas-fogonero à la plancha quand soudain, vision d’horreur, chute de tension: elle voit son appareil photos incassable, équipé de la wifi qui va sous l’eau et en bonus prend de supers photos…elle voit son joujou enseveli dans les dunes. L’âme meurtrie, elle se répète alors toutes sortes de mantras sur l’impermanence des choses et que le seul truc qui compte vraiment c’est le présent, là et maintenant. De sages paroles saharahouies complètent ce premier pansement: « quand tu arrives au désert, écris sur un petit bout de papier ce dont tu veux te débarrasser et enfouis-le ». Peut-être un coup de l’inconscient, une piqûre de rappel, diffusant ce lancinant refrain « on ne voit bien qu’avec les yeux »….Passons et livrons-nous donc à l’instant.

Le couple canarien nous a parlé d’un mirador dans un virage, meublé de barbeucs en pierre. Le chauffeur ne comprend pas qu’on lui demande de nous laisser là mais on a aperçu une petite lumière derrière la route. On tombe sur deux amoureux tchèques qui se réchauffent devant leur fogata fleurant la pomme de pin. Autour d’une bouteille de tinto, ils nous racontent les interminables plages désertées de Fuerteventura et sont émus quand on sort nos intrus. Pour seule mélodie ces 15 derniers jours, ils n’ont connu que les ondes radio reggeaton des Guagua… Détendus,nous regardons les dernières flammes dansants dans l’âtre, puis les lumières de la civilisation au loin,puis le ciel et sa multitude de petits astres fous. Buenos noches, nos vemos mañana para subir al Roque Nublo, felices sueños amigos!

En installant le campement,on se dit dans un sourire qu’il ne fait pas si froid, s’raient pas un peu marseillais ces coquins de canariens?…4h plus tard, Ju se réveille en sursaut d’un sale songe où cul nu glaçon, il cherche partout son caleçon. On se couvre comme on peut, à la limite d’enfiler en surcouches le contenu intégral de nos sacs tout en se faisant niaisement la remarque qu’on nous avait pourtant prévenu.

Mâtinée suivante, débarbouillage au petit robinet d’eau fraîche, merci mère montagne pour ce bien tant mercantilisé en bas chez les côtiers…Première petite brouille, on avait rdv avec les tchèques pour la caminata, il traîne un peu, elle chouine et s’impatiente, il lui dit de partir devant, elle fonce jusqu’à Tunte. Il l’a perdu de vue, rien ne va plus et comme il aime le danger, il se trompe de chemin. Elle boit son café quand il déboule tout hirsute, penaud, déplumé, ouf ils se sont retrouvés! Les tchèques par contre sont déjà loin. Il et elle se rattrapent sur un gros déjeuner d’atun frito con papita caliente.

Pour la première fois, nous laissons nos maisons cousues de nylon aux tenanciers du bar et partons tout légers vers l’alto Roque.

Grimpette un poquito fatale pour nos jambas grippées, reçevant maintes électrochocs au passage des trekki-bikers de l’extrême qui nous narguent avec leur culs de fer pointant vers le firmament.

À 1600m, l’altitude manque de nous décrocher un poumon mais le paysage est magnifique: les immenses rochers du Pic de Pargana nous surplombent, sertis de cavités et stries basaltiques. Vue imprenable, vent cinglant, Del cavale comme un cabri et Ju joue à l’âne batté. On passe la 5ème pour une descente active qui décrasse nos genoux et laissons derrière nous les majestueux Roque Nublo et Pico de las Nieves: Lindo, relindo le chemin tapissé de pierres en petits murets.

 

Un petit couple d’allemands abrège nos efforts en nous laissant monter dans leur carriole de loc. Arrivés à Tunte pour le crépuscule, on récompense ces 4h de belle rando avec deux gros shots de guindilla, le vin cuit local qui nous provoque des secousses sismiques à l’estomac.

La question de faire du stop est vite éludée par le triomphe de la totale obscurité. Del entreprend d’escalade le mur d’un hôtel désaffecté. Trop glauque. Pendant que les petits vieux squattent l’auberge du Tunte éructant leur favorite émission Tv, on avance jusqu’au pont après la sortie du bled. Là au bout d’un chemin de terre nous attend notre première nuit 1000 étoiles dans une cueva (grotte). Il y a un emplacement avec des restes de braises, on se prépare une flambée qui forme un épais nuage de fumée et envahit bientôt la moitié supérieure de notre habitat. Veillant à rester accroupis dans la zone salubre, on met à profit ce mince couloir d’oxygène pour faire résonner le ventre de la montagne avec des mélodies de l’âme qui s’en vont flotter vagabondes jusqu’au fond du canyon.

 

Après cette douce nuit de musicalité diffuse, Ju cueuille des amandes qu’il tend à sa belle avant de réaliser qu’elles sont trop vertes et porteuses d’un poison mortel. La mort les a seulement effleuré, l’aventure peut continuer!

Nous quittons notre cueva d’amour pour nous engouffrer dans une Guagua qui nous sert un tour panoramique en accéléré de la caldeira (cratère).

Les restes du volcan effondré occupent tout le centre de l’ île et au milieu de ce chaos minéral trône le fameux rocher des nuages, culminant à 1949m. Le chauffeur bien sympathique nous laisse à Tejeda, pueblo tranquille nous offrant le meilleur des points de vue sur la gigantesque depression de failles concentriques. Les amandiers en fleurs foisonnent dans le secteur mais leurs fruits ne seront mûrs qu’au prochain printemps. Pour n’être pas en reste, nous savourons un deliciossissimo brownie de almendra au resto du même nom.

Mission stop jusqu’à Artenara, 1h pour accomplir 5kms de lacets, ouf por fin nous y voilà mais oups, les têtes creuses ont laissé leurs mobiles branchés au resto Almendra! Il part en expédition tel un guerrier affamé, elle garde les sacs perchée sur une falaise arrosé d’un soleil meurtrier. 2h de lutte acharnée plus tard, ça repart avec des promesses de Pierre Richard qui décident de faire plus attention.

Un vieux bourru nous prend jusqu’à Coruña et nous montre du doigt un sentier qui tombe en rigole jusqu’à Lugajero, magnifique village logé dans un barranco fertile (ravin dans les parois d’un volcan). Instant magique lorsque la lumière tombe en éclipse sur ce petit paradis.

La magie se prolonge alors qu’ayant avancés jusqu’à un gros barrage, au bout de la vallée qui a toute vitesse se rafraîchit,nous nous pensons bloqués pour la nuit . Une voiture surgit et nous propose un réconfortant trajet direct à destination d’Agaete.

Fin de l’épisode 2.

Dans le prochain épisode, retour à l’eau avec l’exploration de la côte nord…