Direction Maspalomas au sud de l’île:

On nous avait prévenu mais ça dépasse nos capacités d’imageries mentales; Pour atteindre les dunes, il faut traverser des kms d’immenses barres de complexes hôteliers sertis d’oasis artificiels, le tout confiné sur le littoral mangé par un désolant désert de pierre. Alors qu’on pense avoir atteint le paroxysme de la sidération, on aperçoit au bout d’une pointe fendant les vagues fatiguées une vieille immonderie d’usine à ciment.

Passée l’hécatombe, nous élaborons un plan d’action: Trouver refuge au pueblo suivant pour reprendre des forces et revenir sur nos pas afin de passer la nuit au petit port de Pasito Blanco, accolé au big centro urbanizado derrière lequel se cachent les dunes.

À Erguineguin, les hamburguesas de cerdo tiennent leur promesse en terme de graisse saturada qui tâche tripes, tee-shirt et carnet de bord. Notre première baignade rafraîchit tant nos petits corps suintants que nos âmes en flottement et le premier apéro-playa au pro-secco, sorte de champagne du pauvre finit de nous remettre d’aplomb pour notre première mission stop.

Pasito Blanco, arrivée de nuit, en fait de petit puerto, nous devons passer un check-point et réalisons que nous pénétrons l’enceinte ultra sécurisée d’un centre de villégiature pour riches germains amateurs de tranquillité dans quadrillage de villas haut standing aseptisées. Partout des rambardes, du petit parc de jeu à la marina en passant par la plage. On rencontre trois petits irlandais en mal d’action qui mettent toute leur rage à battre des chaises contre l’asphalte aux seules fins de fuir leur ennui. Il reste du pro-secco dans la botella, c’est le dernier jour de l’année, une bonne raison pour trinquer, au diable les conventions,sont loin d’être majeurs mais ils biberonnent fort qu’on s’empresse de poser l’objet du délit dans un coin quand leur pater vient les chercher. Yeah, happy new year guys! C’est la première fois qu’on monte notre tente et ça nous fait quand même tout bizarre d’être installés sur une mini playa privatisée…

Feu d’artifice, on s’endort avec le bouquet final et quittons notre crique au petit matin avant l’arrivée des troupes armées de seaux, écran total, pampers et baleines gonflables.

On entame notre première marche sportive par la traversée d’un green surplombant la côte.  Des papis golfeurs nous observent mi hilares-mi hébétés; En contre-bas, la playa de Melonera et son paseo pavé de boutiques à glaces, paellas et accessoires chinois. On entame une dégringolade à pic le long d’une rigole caillouteuse, les rotules en castagnettes, et arrivons au beau milieu d’un flux de touristes hyper relax. Chargées comme des mules, nos épaules râlent, normal, c’est le début du travail, vivement qu’elles se taisent et se tannent… Grisés malgré nos petites brisures articulaires, nous atteignons le phare de Maspalomas, simple et austère point de contraste entre l’upper class et les franges populaires flânant bien peinards sur la playa del inglès. Nos cœurs s’emballent lorsque qu’enfin se dévoilent à nous d’immenses poitrines de sables…

Les vendeurs afros essayent de nous refiler des sacs dolte galbano et autres montres fervex valant peau de balle en vue d’envoyer quelques sous à leur familia chaque fin de mois. Des cabanons à thèmes, « Irish beer », « San Fransisco gay », « Sonnen wurst land », en veux-tu en voilà… On se prend des pintes au « Paddy’s on the beach » et prenons plaisir à observer ce petit monde entrer nonchalamment dans l’ère 2017; déambulations joyeuses vite fait croquées sur nos cahiers d’écoliers. L’océan ronronne et nos estomacs avec, c’est là qu’on se demande combien de temps un être humain peut tenir en se nourrissant exclusivement de beer…Supermercado fermé, 1er janvier, jour férié, nous finissons attablés au resto devant des plats de chipirones et sardinas nous pliant sans rechigner aux mœurs de la foule hétéroclite venue passer ici du bon temps au lieu de se les geler dans leurs contrées.

1ère session combo rhum et musique au bord de l’eau, chaque note qui retentit est un merci à l’atlantico. Le vent se lève et finit de nous lessiver, il est temps de se diriger vers les dunes pour établir notre campement de fortune.

Superbement installés, à la lueur du crépuscule canariense, on se sent comme des rois du désert, mais le froid souffle fort et nous tire plusieurs fois du sommeil jusqu’à ce qu’un gardien de l’aire protégée nous somme de dégager du coin. Il a raison, l’amende muyyy salada nous gâcherait quelque peu le bonheur d’être là, surtout qu’à quelques dunes près, on aurait pu se retrouver au beau milieu d’un gang bang à l’international sponsorisé par la communauté gay. Oui le gardien a pris le temps de nous renseigner sur les coutumes du coin, seguro que les canarios son muy buena gente.

A y est, on attaque les crêtes de dunes, et entre deux bosses sableuses tombons nez à cul avec des néo-explorateurs toujours plus avides de faire bronzer leurs attributs, et plus si affinité…

C’est pas Gobi, c’est pas l’Sahara non plus mais ça en jette bien, ces bas en haut nous emballant crescendo dans leurs rouleaux dodus. Une fois passées les portions de plages privatisées par le club mickey mi-gay, les ocres vagues se creusent, formant des ombres grandissantes qui peu ou prou nous engloutissent.

Nous surfons de pics en crêtes jusqu’à ne plus voir autour que des volumes ubuesques coupés d’un dégradé de lignes turquoises, quand soudain, surgissant de nos petits corps, une folle envie de piquer une tête dans le bleu du décor!

Pour clôre ce 1er jour de la nouvelle année, nous partager un samba tout frais péché à la plancha, poisson rose surplombé d’un rhum miel, duo de choc qui nous font trémousser les papilles et l’arrière-train. Un grand dadais gracieux dans sa transe fluorescente danse un flamenco-techtonik endiablé comme s’il était dans un rainbow devant le mini mercado, il parle aux touristes sur la terrasse comme s’ils étaient tous au rainbow sauf que les gens de la terrasse fréquentent sûrement pas ce genre d’endroit; J’aime ce mélange de genres, il y en a pour tout le monde, à bas les préjugés, putain qu’est-ce qu’on a de la chance d’être là, sous le soleil caloroso des canarias!